L’estuaire de la Vilaine est limité à sa portion aval par le barrage d’Arzal, construit par l’IAV en 1970, et qui à 12 km de la mer bloque l’onde de marée. L’estuaire en amont, jusqu’à la limite historique de l’estuaire tidal (barrages de Malon et de la Potinais à 70- 80 km en amont) a été transformé en rivière. Le plan d’eau ainsi créé à vu se développer de nouveaux usages dont les principaux sont la navigation et l’eau potable. Le barrage d’Arzal joue aussi un rôle majeur dans la protection contre les crues de l’aval du bassin versant, en empêchant les conjonctions de forts débits amont et de surcôtes de marées. Ce barrage constitue ainsi une rupture nette entre des eaux saumˆatres et douces. Il ´evacue le d´ebit de la Vilaine qui avec 12400 km2 couvre le tiers de la surface la Bretagne. L’embouchure, situ´ee au nord de la Loire, consitue une zone très favorable au recrutement de civelles, et la pêcherie installée au pied du barrage d’Arzal est très importante en volume de captures quand on la compare à l’ensemble des bassins du golfe de Gascogne.

Depuis 1996 sur la Vilaine, le recurement estuarien, c'est-à-dire les arrivées de civelles en estuaire, et le recrutement fluvial, correspondant aux arrivées d'anguilles en cours d'eau, sont évalués par un suivi de la pêcherie des civelles à l'aval du barrage d'Arzal et par un suivi des remontées aux passes-pièges. Les tendances du stock en place sont appréciées à partir d'un réseau de pêches électriques et la dévalaison des anguilles argentées est suivie à l’aide d’un didson placé dans un des pertuis du barrage d’Arzal.

  1. Recrutement estuarien
  2. Recrutement fluvial
  3. Stock en place
  4. Marquages recaptures
  5. Dévalaison des anguilles argentées

Les captures de la pêcherie ont été collectées à partir de plusieurs sources. Historiquement, les déclarations des mareyeurs aux affaires maritimes et plus récemment, le système télécapêche, mis en place par le comité régional des pêches, donnent des informations précises sur les captures de la pêcherie.

Les captures de la pêcherie ont diminué depuis un maximum de 209 tonnes en 1979 jusqu’à une valeur minimale de 2.1 tonnes en 2013. Globalement ces captures reflètent bien la fluctuation du recrutement.

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Tendance des captures de civelles en estuaire de la Vilaine - Le médaillon illustre la part des échappements à la pêcherie, c’est-à-dire les montées sur la passe et l’estimation d’arrivées en estuaire non pêchées et n’ayant pas franchi la passe (Source : EPTB Vilaine)

Les arrivée de civelles sont estimées à l’échelle du stock par les données d’un ensemble de sites mesurant les arrivées sur le long terme sur l’ensemble du territoire européen. Ces sites peuvent être des passes, des zones où sont effectuées des suivis scientifiques, ou des séries de captures issues de la pêche. Un in‐ dice de recrutement européen est calculé chaque an‐ née par le groupe de travail du CIEM. Lorsqu’on com‐ pare la série de recrutement provenant des captures de la pêcherie de Vilaine à la série européenne, la Vilaine est la station présentant le moins d’écart à la tendance moyenne des séries européennes.

Télécharger le rapport de suivi des migrations d'anguilles au barrage d'Arzal en 2021 (EPTB Vilaine)

La migration des civelles pour 2021 s’établit à 295 938 individus pour un poids de 87 kg ce qui place cette année au 12ème rang sur 26 années de suivi. Les tendances interannuelles de migration montrent des montées sur les passes extrêmement variables d’une année à l’autre. Cette variabilité de la migration en terme quantitatifs masque pourtant un phénomène migratoire essentiellement centré sur le mois d’avril avec un décalage possible sur les mois janvier‐février.

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Effectif de civelles estimées sur les deux passes du barrage d’Arzal (EPTB Vilaine)

Pour interpréter les effectifs en migration sur les passes, il faut comprendre que ceux‐cis sont dépendants de la pêcherie. Les arrivées estuariennes les plus importantes sont en janvier et février mais l’échappement nécessaire pour que la passe fonc‐ tionne n’intervient que lorsque la pêche est arrêtée sur plusieurs jours de rang.

 

30 052 anguilles jaunes ont migré sur la passe, ce qui classe cette année comme la 8ème sur 26 années de suivi. Les migrations d’anguilles jaunes sont extrêmement variables d’une année sur l’autre. Le minimum des migrations a été connu en 2005 avec seulement 878 anguilles jaunes dans l’ensemble de l’année. Le maximum a été atteint en 2013 après deux saisons de fort échappement en civelles avec 145 000 anguilles jaunes, soit une fluctuation d’un facteur 160. Globalement, la période récente montre une augmentation de la migration d’anguilles jaunes depuis la mise en œuvre du plan de gestion.

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Effectif d'anguilles jaunes estimées sur les deux passes du barrage d’Arzal (EPTB Vilaine)

La majeure partie des effectifs concerne des petites anguilles d’âge zéro et un, puis la migration diminue pour les classes suivantes. La migration a un caractère saisonnier très marqué avec des pics de migration en avril‐juin et septembre. Les débits de la Vilaine et les coefficients de marée sont des éléments prédicteurs de l’intensité migratoire.

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Un suivi du stock d'anguilles jaunes est réalisé tous les ans depuis 1998 sur le bassin versant de la Vilaine, divisé en trois classes de distance :

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Vue schématique du bassin de la Vilaine, les trois zones colorées correspondent aux trois classes de distance de l’estuaire

  • la zone aval située à moins de 50 km du barrage d’Arzal : elle est formée principalement par des affluents connectés au bief aval de la Vilaine sous influence directe du barrage d’Arzal. Le cours principal de la Vilaine forme un bief de 30-150 m de large, en connexion avec les marais de Redon.
  • la zone intermédiaire situées entre 50 et 100 km du barrage d’Arzal : les affluents échantillonnés sont le Canut Sud, séparé de la Vilaine aval par un barrage, le ruisseau de l’Aron, accessible après deux barrages et le ruisseau des Arches (affluent de l'Oust), séparé par 6 barrages de navigation de la Vilaine aval. Cet axe a été entièrement équipé de passes à anguilles en 2003.
  • la zone amont située entre 110 et 165 km du barrage d'Arzal :  en 1999 et 2000, 13 passes à anguilles ont été construites sur les barrages de navigation de la Vilaine, facilitant l’accès aux affluents du Canut Nord et de la Chèze. Elles ont aussi facilité l’accès au Chevré situe en amont de Rennes, bien que trois barrages soient restés non équipés pour l’accès à cette rivière. Une passe à anguilles située sur le troisième barrage de la Vilaine (la Molière) a été détruit durant la crue de l’hiver 2000 et reconstruite en 2006.

Sur ces trois zones, 19 stations, situées sur 10 affluents de la Vilaine sont prospectées chaque année selon un protocole standardisé de pêche électrique d'indice d'abondance.

Elles ont d’abord augmenté de 1998 à 2001 avec la réouverture du bassin versant de la Vilaine à l’anguille en 1995. Elles ont ensuite diminué significativement à partir de 2003, jusqu’à un niveau minimum en 2011. Cette tendance a traduit la dégradation des recrutements fluviaux de civelles. A cette période, les opérations de transport de civelles n’ont pas compensé cette baisse. A partir de la mise en place du plan de gestion anguille, le recrutement fluvial de civelles s’est d’abord effondré avant d’augmenter fortement de 2012 à 2014, avec ensuite un seul bon recrutement en 2016. On observe bien en réponse une augmentation des abondances de jeunes classes d’âge sur l’aval et l’inter‐ médiaire du bassin ﴾zone < 50 km et 50‐100 km﴿, à partir de 2013 : les densités augmentent globalement sans toutefois atteindre les niveaux de densité observés sur la période 1998‐2002. Les biomasses sont en déclin sur les parties intermédiaires et amont et en augmentation sur les trois dernières années sur la partie aval.

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Évolution des biomasses d'anguilles sur les 19 stations prospectées tous les ans depuis 1998  (Source : EPTB Vilaine)

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Les croissances des anguilles marquées sont assez faibles avec en moyenne 20.8 mm par an. Certaines anguilles n’ont pas grandi du tout alors que d’autres ont gagné 60 mm. En ex‐cluant les anguilles ayant perdu du poids entre le marquage et la recapture ﴾17 anguilles sur 129﴿, les croissances annuelles s’établissent à 23.5 mm.

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Un système de sonar multifaiseaux (DIDSON) a été installé sur un rail porteur au niveau du quatrième pertuis de vannes du barrage d'Arzal en 2011. Il permet d'évaluer plus précisément les quantités d'anguilles argentées produites par le bassin versant de la Vilaine à partir de 2012.

Les images sont enregistrées en continu puis dépouillées afin de dénombrer les anguilles argentées. L'efficacité de la détection est calculée en fonction de la taille des anguilles, de la position du didson et de la distance au didson. Pour extrapoler les effectifs migrants à l'ensemble de l'ouvrage, le porcentage de la surface de la vanne suivi par le sonar, et la ratio des débits de la vanne 4 aux autres vannes sont utilisés.

Vue d'écran de lecture du sonar multifaisceau...  on distingue un poisson en haut à gauche. L'identification des espèces sur ces images est une affaire de spécialiste !

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La saison 2020-2021 est la 8ème année du suivi. L’estimation quantitative de la dévalaison sur la Vilaine, sur la période de suivi, s’établit à (N=52 199) soit 20.1 tonnes. La tendance interannuelle est à la baisse, avec une légère augmentation à partir du minimum observé en 2017-2018.

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Effectif estimé d'anguilles argentées sur la Vilaine à l'aide d'un DIDSON (EPTB Vilaine)

Télécharger le suivi de la dévalaison des anguilles argentées en 2020-2021 sur la Vilaine à l'aide d'un DIDSON (Briand et al., 2022)