Le cycle biologique du saumon atlantique se déroule alternativement en eau douce et en mer. Les saumons naissent tous en eau douce. En Bretagne, les jeunes saumons restent 1 à 2 ans en eau douce. En Scandinavie, ils restent jusqu'à 4-5 ans en eau douce en raison d'une croissance plus lente du fait de températures plus basses. Les saumons les plus âgés peuvent vivre jusqu'à 6 ans. Cycle SAT IMAGIC pour BGM reduit
Pourquoi et comment les saumons retrouvent-ils leur rivière d’origine ?

Chez les saumons, la philopatrie, ou l’instinct d’un individu à revenir ou à rester sur sa zone de naissance, augmente le succès reproducteur de l’espèce : elle accroît leur chance de trouver un partenaire pour la reproduction et un milieu favorable au développement des œufs puis des jeunes saumons.

Les mécanismes qui conditionnent cette remontée vers les lieux où les saumons sont nés, ou « homing », font l'objet de nombreuses études. Durant la phase océanique, il semblerait que les saumons soient dotés d’un sens inné de l’orientation qui leur permet de se guider grâce aux courants marins ou, selon des recherches récentes, par le magnétisme de la Terre et des points de repère célestes. Dans la dernière partie de leur voyage, les saumons seraient guidés par leur capacité à reconnaître l’odeur ou la composition chimique de l’eau dans laquelle ils ont grandi. L’olfaction jouerait un rôle très important via les phéromones émises par les tacons et smolts de saumon. 

Toutefois, le homing chez le saumon n’est en fait pas un phénomène infaillible. L’instinct de retour des saumons à leur rivière natale ne semble pas aussi strict dans le cas de rivières géographiquement proches. En effet, des saumons adultes « égarés » peuvent remonter une rivière voisine de leur rivière d'origine. Les mécanismes de dispersion, qui restent peu ou pas connus, seraient (Mathieu Buoro, comm. pers) :

  • L’erreur de reconnaissance (caractéristiques environnementales des rivières proches, empreinte incomplète de la rivière de naissance au stade juvénile des « égarés », …) qui pose la question de l’altération du signal de la rivière natale par la pollution des rivières et des estuaires
  • L’attractivité moindre des petites populations de saumons (plus faible production de juvéniles)
  • Le rôle potentiel d’une migration collective : des individus issus d'une petite rivière suivant un groupe plus important issu d'une grande rivière

Il se peut que chez les saumons, une base génétique de la dispersion existe aussi. Dans la dynamique des populations, ces individus « égarés » auraient un rôle majeur dans le fonctionnement des populations et la résilience de l’espèce face à des perturbations environnementales : maintien d’une petite population, recolonisation d’un milieu

A l'assaut des cours d'eau !

Selon leur âge, les géniteurs de saumon remontent les fleuves à différentes périodes :

  • Après une phase de croissance marine de 20 à 26 mois au large du Groenland et un long voyage de retour vers leur rivière natale, les saumons de printemps ou saumons de "plusieurs hivers de mer" colonisent les eaux douce de février à juin et y séjournent de 8 à 10 mois avant de s’y reproduire.
  • Après une phase de croissance marine de 14 à 18 mois au large des îles Féroé et un long voyage de retour vers leur rivière natale, les castillons ou saumons de "un hiver de mer" effectuent leur remontée des cours d'eau de juin à octobre.

Photo de saumon de printemps

Saumon de printemps piégé dans la station de suivi du Scorff (INRA)

Photo de bécard capturé de nuit sur le Scorff

Bécard capturé de nuit dans le cadre du suivi de piégeage du Scorff (INRA)

Outre la période de migration, un saumon de printemps se différencie d’un castillon par :

  • Un sex ratio en faveur des femelles (en moyenne, 80% des saumons de printemps sont des femelles)
  • Une taille et un poids plus élevés
  • Une fécondité plus grande (8200 œufs / femelle en moyenne)

Depuis plus de 20 ans, on observe une baisse de la taille et du poids des géniteurs d’un ou plusieurs hivers de mer sur la majorité des populations de la façade européenne. Sur le Scorff, depuis la mise en place du suivi des migrations au Moulin des Princes en 1994, une baisse très marquée du poids et de la taille des saumons de printemps est observée : les saumons de printemps ont en moyenne perdu environ 40 mm et près de 500 g, soit environ 5 % de leur taille et 12 % de leur poids. Cette tendance semble se stabiliser depuis 2008.

Evol taille poids PHM

Evolution des tailles et poids moyens des saumons de printemps piégés au Moulin des Princes de 1995 à 2022

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Evolution des tailles et poids moyens des castillons piégés au Moulin des Princes de 1995 à 2022

Cette diminution de taille s'accompagne sur le Scorff d’une entrée en rivière de plus en plus tardive, qui depuis quelques années, tend toutefois à revenir à des dates proches de celles observées dans les années 2000.

Les suivis continus aux stations de comptage (depuis 1994 sur le Scorff, 1999 sur l’Aulne et 2007 sur l’Elorn) montrent globalement une hausse des retours de saumons de printemps. Mais, la composante des individus ayant séjourné plusieurs années en mer reste aujourd'hui mineure au sein des stocks bretons : elle oscille entre 4 et 40% suivant les cours d’eau et les années.

 Le saumon atlantique est une espèce poïkilotherme et sténotherme. Sous ces mots « barbares » se cachent l’incapacité du saumon à contrôler sa température corporelle, qui varie en fonction de celle de l’eau, et son intolérance aux températures élevées. Le saumon préfère en effet des eaux fraîches, entre 9 et 17°C, valeur au-delà de laquelle le saumon connait un stress thermique pouvant conduire à sa mort lorsque la température de l’eau avoisine 25°C. 

En dehors des valeurs optimales, les fonctions d’alimentation, de locomotion, des sens… sont réduites. Cela se traduit par une demande en oxygène accrue. Si les températures s’écartent légèrement de la plage optimale, la demande en oxygène peut encore être satisfaite par la respiration aérobie. Mais à des températures extrêmes, la demande en oxygène ne peut pas être remplie par la respiration aérobie et nécessite le déclenchement de la respiration anaérobie. Le saumon entre alors en stress thermique.

A une exposition prolongée au stress thermique, les tacons de 1 an et plus cessent de s’alimenter, abandonnent leur territoire et se regroupent dans les zones d’eau froide. La réponse des smolts et des adultes au stress thermique est moins bien connue, mais il semblerait qu’ils soient plus affectés par le stress thermique que les juvéniles, tant dans leurs migrations que dans d'autres aspects de leur cycle de vie.

Malheureusement sur certains cours d’eau, l’Homme a changé la donne… la présence d’obstacles rend difficile et retarde l’accès à des zones d’eaux froides situées plus en amont ou sur des affluents par les saumons. Qui plus est, les retenues d’eau créées en amont des obstacles favorisent le réchauffement de la température de l’eau.

L'heure de la reproduction

Depuis l’automne, mâles et femelles se concentrent sur les faciès courants et oxygénés des rivières qui les ont vu naitre. Ils portent maintenant de belles parures dorées, signes que l’heure de la reproduction approche… Et lorsque les conditions de débit et de température sont optimales, commence alors la reproduction des saumons.

Elle se déroule entre fin novembre et début janvier. Les femelles vont dans un premier temps explorer le lit du cours d’eau pour déterminer le futur site de ponte. Cette activité se fait généralement en présence d’un ou plusieurs mâles à proximité. Une fois le site choisi, les femelles construisent leur nid : sur le flanc, elles creusent en battant intensément leur queue dans le gravier. Les dimensions du nid, proportionnelles à la taille des femelles, peuvent atteindre 0 à 30 cm de profondeur pour 50 à 80 cm de diamètre. La fréquence de grattage augmente à l’approche de la fraie.

Alors que les femelles restent à l’intérieur ou à proximité immédiate de leur nid, les mâles, de leur côté, deviennent de plus en plus actifs : les mâles dominants protègent leur nid tandis que les dominés essaient de se glisser dedans sans se faire chasser…

Mâle ou femelle ?

De couleur brillante et argentée à son retour de mer, la peau du saumon devient, à l’approche de la reproduction, épaisse et résistance, les flancs se teintent en jaune et des tâches rouges et pourpres se développent.

La maturation sexuelle commence en mer et s'achève à l'arrivée sur les lieux de ponte, ou plus en aval si la remontée est retardée par les obstacles à la migration… pouvant d’ailleurs compromettre le succès de la reproduction.

Mâles et femelles sont semblables jusqu’à l’approche de la fraie où le mâle va subir d’importants changements ; sa mâchoire inférieure va se recourber à la manière d’un crochet. Ce dernier lui servira « d’arme dissuasive » pour éloigner ses rivaux ! Mais cette transformation n’est pas sans conséquence : elle fragilise fortement le mâle qui doit puiser le calcium dans ses écailles (érosion) et son squelette (déminéralisation) pour former son bel apparat !

© Fabrice - Club des saumonniers

Quand vient le moment de la ponte, la femelle « s’accroupit » dans le nid, touchant le gravier avec sa nageoire anale en érection. Le mâle et la femelle relâchent ensuite leurs gamètes de manière simultanée, tout en étant flanc contre flanc, le bec grand ouvert. Une fois les œufs déposés par la femelle, elle gratte rapidement pour les recouvrir. Normalement nocturne, la ponte peut devenir diurne pendant la période d’activité de frai maximale.

Chaque femelle va pondre en moyenne de 4000 - pour un castillon - à 8000 œufs - pour un saumon de printemps. Mais la majorité des œufs n’atteindront jamais le stade adulte...

En Bretagne, les frayères se répartissent de la limite de marée dynamique aux têtes de bassins versants. Elles se localisent plus précisément dans les parties de cours d’eau caractérisées par une pente de thalweg de moyennement faible (0,2%) à moyennement escarpée (1%). La frayère typique est située au niveau d’un changement marqué de l’hydraulique. De telles conditions sont par exemple rencontrées au niveau des têtes de radier ou de la rive convexe des méandres.

A l’échelle de la frayère, la profondeur de la lame d’eau, la vitesse du courant et la taille du substrat sont généralement considérés comme les variables internes à la rivière les plus importants dans la détermination de la sélection de l’habitat de ponte par les poissons : une profondeur entre 20 et 50 cm, une vitesse de l’eau comprise entre 35 et 65 cm/s, une taille de substrat allant de 16 à 64 mm. Ces conditions permettraient un écoulement à travers les cailloux (flux intragravellaire) élevé garantissant un bon apport en oxygène.

Représentation schématique de la zone de fraie (Baglinière, 1991)

 Une stratégie de reproduction alternative chez les mâles

Des tacons mâles peuvent se reproduire sans aller en mer. On parle de maturation précoce.

En effet, dans des rivières à fort potentiel de croissance, des juvéniles, essentiellement des mâles, développent une maturation précoce des gonades qui les rend aptes à la reproduction l’hiver suivant. Cette maturation intervient dès le premier automne pour une faible proportion dans les rivières bretonnes (<5%). Cette proportion peut atteindre 50 voire 100% des échantillons de jeunes mâles de l’année dans les rivières situées plus au sud. Mais dans la plupart des rivières à saumons, le phénomène de maturation sexuelle précoce est le fait de tacons mâles 1+.

Sur les frayères, les saumons adultes, ayant passé un hiver ou plus en mer, et mâles précoces, restés sur place, entrent en compétition. Plus costauds, très agressifs et bénéficiant d’une grande quantité de sperme, les grands mâles bénéficient d’un avantage qui leur assure la préférence des femelles et devraient s’assurer une victoire sans partage. Mais les petits saumons sont vifs, nombreux, malins et se cachent près des frayères. Ils n’ont alors aucun mal à féconder eux aussi les œufs en se glissant sous le couple. Ces mâles spermiants, participent activement à la reproduction et peuvent féconder jusqu’à 60% des œufs d’une frayère - jusqu’à 80% certaines années sur la Nivelle. Les tacons mâtures ont moins de chance de survivre. «Les survivants» peuvent reprendre leur migration après maturation.

Cette décision individuelle est prise dès l’hiver ou le printemps précédent. Il y aurait, chez les individus au mode de croissance élevée, des tacons qui développeraient la possibilité de se reproduire l’hiver suivant avant de partir en migration comme smolts en printemps. Ces tacons auraient emmagasiné des réserves en fin d’hiver. La décision prise, ces mâles allouent leurs dépenses énergétiques vers la reproduction et non vers la croissance.

Chez les femelles, ce phénomène de maturation précoce est extrêmement rare. Cette différence entre mâles et femelles se tient au fait que les femelles précoces ne peuvent produire qu’un très faible nombre d’œufs - dont la fertilité n‘est d’ailleurs pas certaine - alors que les tacons spermiants peuvent fertiliser une grande quantité d‘ovocytes.

Le phénomène de maturation précoce n’est pas nouveau. Néanmoins, avec le changement climatique, les cours d’eau se réchauffent et les caractéristiques des populations de saumons et leurs comportements, notamment reproducteurs, seraient en train d’évoluer. De plus en plus de mâles juvéniles seraient aptes à la reproduction au bout d’un 1 à 2 ans et préfèreraient rester en eau douce plutôt que d’entreprendre le périlleux voyage à travers l’océan.

Le saumon atlantique peut se reproduire plusieurs fois. Néanmoins, la survie après reproduction est faible. Elle varie en fonction du stock, de l’année, de la qualité du milieu et de la localité. En France, la survie est très faible, le nombre de multi reproducteurs varie de 0,5 à 3% pour l’ensemble des populations françaises, cela étant très probablement dû aux fortes températures, à la qualité dégradée de l’eau et de l’habitat aquatique.

Après la reproduction, les saumons sont très fatigués et peuvent être infectés par le champignon aquatique commun saprolegnia spp. Un fort taux de mortalité peut avoir lieu dans les 2 semaines suivant le frai. Les « survivants » ou ravalés, majoritairement des femelles, ne migrent pas directement vers la mer. Très amaigris, ils ont besoin de zones de repos sûres pour se rétablir et restent ainsi plusieurs mois en rivière. Avant de regagner l’océan, ils vont subir une nouvelle transformation physiologique pour redevenir un magnifique poisson argenté, adapté à l’eau salé.

Certains de ces saumons reviennent alors pour un ou plusieurs autres cycles de reproduction, ce sont des saumons de X retours. Sur le Scorff, le nombre de saumons de 2nd retour est faible mais très variable, oscillant entre 0 et 39 individus entre 1995 et 2022. Le taux de survie des saumons de 2nd retour, dépendant de la survie post-reproduction et de la survie en mer, est très fluctuant depuis le début des suivis. Les survies plus élevées entre 2003 et 2012 semblent liées à un meilleur état sanitaire des adultes après la reproduction.

 Même si les taux de survie au 2ème retour sont très faibles, cela peut représenter un potentiel de déposes d’ovules conséquent... En effet, la fécondité des femelles étant reliée à la taille :
  • Un castillon pond en moyenne 4 700 œufs,
  • Un saumon de 2 ans de mer, 8 100 œufs en moyenne,
  • Et un saumon de 3 ans de mer, 12 000 œufs en moyenne !
Le potentiel reproducteur des saumons de 2nd retour est très élevé et cette caractéristique revêt l’importance de les protéger. Comment faire ? En optimisant l’échappement des ravalés après la reproduction avec des dispositifs adaptés. En Bretagne pour maximiser les chances de retour des ravalés, la pêche du saumon bécard ou saumon de descente est interdite toute l’année.

Une vie qui débute sous les graviers

Dans les secondes qui suivent la ponte, l’œuf de saumon, de couleur orange ou ambre, est déposé dans le nid, rapidement recouvert par les graviers grattés par la femelle saumon. La phase embryo-larvaire intervient entre décembre et début avril. La durée d'icubation des oeufs dure  440 degrés-jours. Au printemps, l’œuf donne naissance à une larve de saumon qui reste sous le gravier et continue de se développer en utilisant les réserves contenues dans sa vésicule vitelline. Une fois leur sac vitellin résorbé, la larve émerge du substrat.

Illustration :Œufs de saumon à différents stades de développement (Source : © Hoenny / wikipedia) 

Illustration : larve de saumon sortant de l’œuf (source : © Uwe Kils / wikepedia)

 La morphologie particulière de la frayère (une dépression suivie d’un dôme) favorise la pénétration de l’eau dans le substrat et son oxygénation, indispensable au bon déroulement de la phase embryo-larvaire. Elle constitue une période critique où la survie est soumise à de nombreux facteurs interagissant de manière complexe :

Zone de radier sur le Léguer (Source : © L. Le Gurun - BGM)

  • La composition du gravier influence la survie des œufs et des juvéniles en agissant sur :
    • La perméabilité du substratElle augmente au moment du creusement du lit par les géniteurs et par la suite, diminue naturellement pendant la période d’incubation à cause du compactage du gravier. Le colmatage peut donc avoir un impact fort sur la survie des stades embryo-larvaires en induisant une plus faible perméabilité du nid et de ce fait un plus faible apport en oxygène.
    • La capacité des alevins à émerger : Le diamètre du substrat est probablement le paramètre le plus important de l’éclosion à l’émergence. A partir de 1mm, les particules qui se déposent à la surface du nid forment une couche inhibant l’émergence des alevins. Entre 6 et 15mm, les particules sont trop lourdes pour pouvoir être bougées et trop petites pour que l’alevin puisse passer à travers l’espace intra-gravellaire.
  • La concentration en oxygène dissous : Elle joue un rôle majeur jusqu’à l’éclosion. Les exigences en oxygène augmentent avec la température et l’avancement du stade de développement. Un déficit en oxygène peut avoir des effets sub-létaux, conduisant à une croissance réduite, une efficacité réduite dans l’utilisation des réserves de la vésicule vitelline, des éclosions prématurées et des changements morphologiques.
  • Température de l’eau : Elle agit tout d’abord sur la durée d’incubation de l’œuf qui s’allonge avec une diminution de température et a contrario, se réduit avec une augmentation de la température. Bien entendu, ceci n’est valide que dans la gamme de tolérance thermique, c’est-à-dire entre 0 et 12°C (seuils létaux). Entre la phase d’éclosion et d’émergence, la température de l’eau influence également sur la taille des alevins en jouant sur les proportions d’énergie (sac vitellin) allouées à la croissance, à la respiration et autres activités métaboliques : de faibles températures d’incubation augmentent la proportion utilisée pour la croissance et ainsi donnent lieu à de plus grands alevins. Or la taille influence la survie.
  • Les conditions hydrologiquesLes fluctuations de débit influencent les flux intra-gravellaires, le transport ainsi que le dépôt des particules fines. 2 hypothèses s’opposent : de forts débits conduisent à une remise en suspension des fines améliorant ainsi la survie / un débit élevé augmente le transport de particules fines et donc entraine le colmatage des frayères. Dans tous les cas, une forte crue entraine un déplacement des œufs et alevins voire la destruction des frayères et peut ainsi être une cause majeure de mortalité selon l’intensité du phénomène. A l’inverse, des débits très bas peuvent induire une mortalité par le gel ou l’exondation bien que les conditions du substrat environnant puissent fournir une isolation thermique et une humidité suffisante pour que les œufs survivent pendant plusieurs heures voire plusieurs semaines.
  • Autres facteurs : Lorsque la surface de reproduction est insuffisante pour le nombre de géniteurs présent, des phénomènes de surcreusement peuvent conduire à un recrutement plus faible par géniteur.

La phase de post-émergence constitue la transition entre la période de vie larvaire et la vie en pleine eau pendant laquelle, l’alevin va apprendre à nager, évoluer contre le courant, s’adapter à une alimentation exogène… Si, chez l’alevin, la survie avant l’émergence dépend principalement de paramètres environnementaux, la survie des tacons résulte de l’interaction de la structure de l’habitat (température de l’eau, profondeur et vitesse de courant) et de facteurs environnementaux et biotiques tels que la prédation, la compétition inter et intra-spécifique et les conditions trophiques.

Dès l’émergence, le tacon part donc en quête de nourriture… Son alimentation est constituée de microplancton puis de plancton et enfin de toutes sortes de petites proies adaptées à sa taille. Les jeunes saumons sont des prédateurs visuels opportunistes, qui vont s’orienter vers les proies les plus accessibles et les plus abondantes dans le milieu. Ils capturent principalement les larves sur le fond ou au moment de leur dérive dans le courant, la prise d’insectes adulte en surface restant très faible. Malgré la grande diversité des proies sur les zones de radier, les tacons semblent se focaliser sur les éphémères, les diptères, les trichoptères et les plécoptères. La disponibilité et la composition des proies dans le régime alimentaire du tacon varient en fonction de la saison et du milieu mais également de son stade de développement puisque que la taille des macroinvertébrés est un facteur limitant dans la sélection des proies. Les changements s’opèrent ainsi en fonction des caractéristiques morphologiques des tacons : l’ouverture de la bouche, l’espacement entre les arcs branchiaux, … qui évoluent avec leur âge. L’accès à la nourriture, facteur déterminant lors de la phase de croissance chez les jeunes saumons, découle de la concurrence au sein des radiers mais également de la densité et de la biomasse des proies. Toute modification des assemblages de macroinvertébrés, notamment en raison de dégradations anthropiques du cours d’eau, peut aussi affecter le développement des tacons.

 Tout aussi vital, le tacon, dès l’émergence et le début des mouvements de natation, part en quête d’un territoire. Il recherche préférentiellement des secteurs particuliers des cours d’eau que sont les radiers-rapides, caractérisés par une granulométrie grossière - composée de graviers, de galets et de blocs, qui offre de nombreux micro-habitats refuges - et une faible profondeur. Ils affectionnent également la végétation aquatique (callitriches, renoncules), souvent abondante sur les radiers éclairés. Dès lors, le tacon est susceptible de rentrer en compétition, avec ses congénères mais également avec les autres espèces de poisson, pour l’habitat mais également pour l’alimentation… 

Un emplacement optimal pour un tacon doit répondre à 2 critères :

  • Une moindre dépense d’énergie sous forme de nage à contre-courant
  • Un apport optimum d’énergie sous forme de proies capturées

Ces emplacements, appelés postes de chasse, sont défendus âprement par les occupants en adoptant différents comportements de rivalité : l’intimidation, la charge (nage rapide vers l’intrus), la morsure, la chasse (charges répétées) ou encore la fuite !

Dès lors qu’apparaît un comportement de défense du poste de chasse et de son environnement immédiat, la définition du territoire s’impose. La compétition pour les meilleurs postes fait apparaître une hiérarchie entre les saumons : les individus dominants, qui avec une dépense d'énergie minimale, peuvent disposer d'un abri et d'une source de nourriture, et les individus dominés contraints à se cacher ou fuir. Dès le départ, les tacons adoptent une stratégie territoriale qui leur permet de réguler leur densité avec les conditions trophiques de l’environnement. Le nombre d’abris et la configuration du substrat jouent sur ce rôle régulateur : lorsque le substrat est diversifié et permet une isolation visuelle entre alevins, le nombre de territoires, donc la capacité d’accueil, se trouve augmenté. La compétition est donc intense pour l’habitat et la ressource trophique dès les plus jeunes stades !

 

Cette recherche du territoire est vitale, en particulier pour les espèces dont le séjour en rivière se prolonge. Et, plus le saumon grandit, plus son territoire doit s'étendre. Les alevins nouvellement émergés ont des territoires de 0,02 à 0,03 m², tandis que les tacons et les smolts occupent des territoires de plus de 1m² !

Au printemps suivant, la croissance des tacons, en particulier des jeunes de l’année, conditionnera la smoltification et l’âge de départ en mer… Ainsi à la fin de la période estivale, deux catégories de taille au sein des tacons de l’année sont généralement observées :

  • Des individus avec une croissance élevée qui dès l’émergence, s’alimentent régulièrement, grandissent, et stockent de l’énergie : ils smoltifiront au printemps suivant et migreront vers l’océan au cours de l’été (âge 1+),
  • Des individus de croissance plus faible qui réduisent leur comportement alimentaire (diminution des distances de capture des proies, inhibition des captures en présence de prédateur) et montrent des taux de croissance plus faibles : ils resteront une, voire parfois deux années supplémentaires en eau douce.

Le grand départ vers la mer

A l’heure de migrer vers la mer, le jeune saumon (tacon) doit s’adapter pour sa future vie en mer. Ce processus, appelé smoltification, permet ainsi au saumon d’acquérir les capacités pour vivre dans le milieu marin. En fin d’hiver, c'est une véritable métamorphose qui s'opère chez le jeune saumon, placée sous contrôle hormonal et nerveux, et influencée par la température, la photopériode et le débit. Elle se traduit par de profondes modifications physiologiques, physiques et comportementales : 

  • S’adapter à l’eau salée : Normalement, un poisson d'eau douce ne peut pas survivre dans l'eau de mer : le tacon de saumon verrait en milieu salé ses cellules se ratatiner ! Pour survivre dans ce nouveau milieu, l’activité des branchies, principale surface d'échange entre le poisson et l'eau environnante, s'inverse et s'amplifie pour permettre l'élimination à venir des sels marins.
  • Survivre à la vie en mer : Le corps s'allonge, les nageoires se décolorent et la robe devient très brillante pour favoriser le mimétisme en mer et surtout renforcer la protection physique vis-à-vis de l'eau de mer. Le saumon voit sa flottabilité augmenter et son agressivité diminuer. Son comportement de nage face au courant et de territorialité disparaissent. Ces changements transforment le jeune saumon, auparavant territoriale et benthique, en un poisson pélagique et vivant en banc (stratégie anti-prédateurs).
  • Grandir vite : La croissance rapide du smolt est très liée à l'acquisition de l'euryhalinité c’est-à-dire la capacité à supporter à la fois les milieux d’eau douce et d’eau de mer et à s'y adapter. Le smolt, encore en eau douce, présente déjà une accélération de croissance qui se poursuivra par une croissance marine très rapide. 
  • Mémoriser sa rivière de naissance : De nouveaux flux hormonaux s'établissent, avec notamment une forte production d'hormones de croissance ainsi que de substances renforçant la mémorisation de l'environnement – température, hydrodynamisme, odeur (ce qui permettra au poisson devenu adulte de retrouver SA rivière). La reconnaissance chimique de leur rivière de naissance passe en grande partie par l’odorat. Les jeunes saumons se regroupent de préférence avec leurs frères et sœurs et s’imprègnent de l’odeur de l’eau et celles produites par les individus qui leur sont apparentés.

En fonction de leur vitesse de croissance, les jeunes saumons smoltifient après un, deux voire trois ans. La stratégie peut être détectée au cours des premiers mois de leur vie : les individus ayant une croissance rapide deviendront des smolts au printemps suivant ; les autres attendront une année de plus. La smoltification a transformé le jeune saumon en smolt, apte à s’adapter, croître et survivre dans un milieu totalement différent de celui où il est né et où il a grandi. Maintenant, il « survit » en eau douce : il quitte alors le cours d’eau dans lequel il se trouve en situation de stress…

 Le déclenchement de la dévalaison vers la mer intervient à maturité physiologique du smolt et en réponse à des facteurs environnementaux déclencheurs comme l’augmentation de la température de l’eau et/ou des débits. La dévalaison se déroule chaque année de fin février à mi-mai. Les smolts les plus âgés et les plus gros descendent préférentiellement en début de période, remplacés progressivement par les plus jeunes et plus petits. Après une phase transitoire d’adaptation à la salinité, il part vers les zones d’engraissement en mer où sa croissance sera très rapide. En lien avec cette phase de transition, il existe une « fenêtre physiologique » (capacité d’adaptation à l’eau salée) et une « fenêtre écologique » (conditions environnementales – température, oxygène, polluants – dans l’estuaire) qui vont, en fonction de leur synchronisation avoir un impact majeur sur la survie des smolts.  

Illustration : Estuaire du Lapic (Source : © P. Rigalleau, FDAAPPMA 29)

La croisance des adultes en mer

Après une migration pouvant atteindre 3 000 km, le saumon atteint les aires de grossissement où il vit en banc avec ses congénères. Les principales zones marines de croissance du saumon atlantique se situent à l'ouest du Groenland en mer du Labrador, au large des Iles Féroé, en mer de Norvège et en mer Baltique. Elles bénéficient de la remontée en surface des eaux profondes et froides. Ces courants font d'elles les zones parmi les plus productives du monde.

Aires de grossissement du saumon atlantique dans l'Atlantique Nord (en rose saumon) et zones potentielles de colonisation (en vert canard) (source : IMAGIC pour BGM)

Phoque mangeant un saumon (Source : http://www.sanjuanjournal.com)

Une fois dans les océans, le saumon se nourrit de zooplancton, de krill, de crevettes et autres poissons. Plus il grandit, plus ses proies sont importantes. D'ailleurs, son régime alimentaire riche en caroténoïdes donne à sa chair sa couleur rose caractéristique. Durant sa vie en eaux salées, le saumon a une croissance très rapide. Au bout d'un an, il est plus de 20 fois plus gros. Il pesait quelques dizaines de grammes, il atteint maintenant les deux kilos ! Mais les saumons peuvent aussi être mangés! Leurs principaux prédateurs sont quelques grands mammifères (phoque, orque, ...) et certains poissons comme les requins.

Egalement traqué par l'Homme, le saumon atlantique s'est retrouvé en danger à cause de grandes pêcheries commerciales apparues au Groenland, en mer de Norvège et sur les Iles Féroé dans les années 60. Depuis 2018, les pêcheurs des eaux du Groenland et des Iles Féroé ont cessé la pêche commerciale du saumon pour les douze prochaines années. Alors qu'historiquement, 40 à 45 tonnes de saumons étaient capturées dans cette zone, le quota est dorénavant de 20 tonnes, correspondant à la pêche de subsistance pour la population locale.

Après un à quatre ans passés en mer, le saumon commence alors le grand voyage de retour vers sa rivière natale... Il semble que les sens olfactifs et gustatifs, sens développés à l'extrême, jouent un rôle capital dans son voyage de retour. Mais, il n'est pas exclu que les étoiles ou encore la variation de température et les courants marins interviennent en tant que guides...

Lorsqu'il se présente en rivière, le saumon fait face à un changement drastique des conditions chimiques et hydrauliques. Ainsi parallèlement aux adaptations physiologiques liées au changement de salinité, il doit adapter son comportement de nage à la faible profondeur de lit des cours d'eau et au courant unidirectionnel caractérisé par des changements de vitesse et de turbidité.

L'impact du dérèglement climatique

Le changement global du climat a de nombreuses conséquences sur les migrateurs amphihalins. Les plus connues sont :

  • la diminution de la salinité liée à la fonte des glaciers au niveau des zones d'engraissement
  • la modification des courants océaniques
  • l'augmentation de la température de l'eau à l'aval des fleuves
  • la diminution de la production primaire du milieu océanique

Le dérèglement climatique a des conséquences à la fois en mer et en rivière à chaque étape vitale du cycle de vie du saumon.Cette espèce doit faire face à des conditions de vie en mer très difficiles qui tendent, aujourd'hui, à se dégrader avec les changements climatiques. Le saumon resterait plus longtemps en mer pour faire face à des faibles conditions de croissance océaniques (conséquence de changements environnementaux) afin d'accumuler assez d'énergie pour enclencher le processus de maturité sexuelle (En savoir plus sur le projet SALMOCLIM).

On constate également que les mâles sont mâtures de plus en plus précocement en eau douce. "La maturation sexuelle n'étant pas antagoniste de la smoltification" (J.L. Baglinère, com.pers.), l'une des conséquences est qu'une fois mâtures sexuellement, les saumons ne partent pas en mer et qu'étant plus petits, ils ont une part moindre dans la reproduction (semence moins performante et en moindre quantité). Par exemple, un saumon de 4 ans a été observé sur le Scorff alors qu'il ne s'était pas encore reproduit.

Télécharger le diaporama sur les effet du changement climatique sur le saumon atlantique : d'une perspective individuelle aux dynamiques populationnelles (C.Piou et E.Prevost, 2010)

Télécharger l'étude sur la modification du comportement du saumon de l'atlantique face au réchauffement climatique et à la pollution (S.Fuentes et J. Bon Mardion, 2011

Le saumon exige de bommes conditions d'habitats

De même que pour les humains ou tout autre être vivant, les fonctions vitales des poissons (repos, alimentation, reproduction) ne peuvent être satisfaites que dans certaines conditions d’habitats. La capacité d'accueil du milieu est une condition essentielle au bon déroulement des étapes vitales. Le saumon atlantique a un cycle de vie complexe et possède, par conséquent, des exigences d’habitats toutes aussi complexes… Même si les conditions en mer influencent la qualité et la quantité des saumons qui reviennent en rivière se reproduire, une condition d’égale importance pour la survie de leurs populations est la qualité des milieux pendant leur phase en eau douce. Ainsi, il faut au saumon une eau de bonne qualité (température, oxygène dissous) et des conditions particulières d’habitats (espace disponible, substrat, abris, fourniture en nourriture, qualité et quantité des zones de frai, …).

La remontée des adultes en cours d’eau

Entre les phases de migration active, les saumons ont besoin d’un habitat de repos répondant à 2 critères : une protection contre les prédateurs et un ombrage suffisant. Cet abri doit donc présenter certaines caractéristiques : une profondeur supérieure à 0,3 m, une température inférieure à 25°C, une luminosité faible et à l’approche de la période de reproduction, la proximité aux frayères. A l’échelle de la rivière, l’habitat de l’adulte peut être relié aux profonds et se matérialise par une sous-berge, des racines, des blocs rocheux…

 La reproduction des géniteurs et le développement embryo-larvaire

La qualité de l’habitat est une des clés du succès de la reproduction. La profondeur de la lame d’eau, la vitesse du courant et la taille du substrat sont généralement considérées comme les variables internes à la rivière les plus importantes dans la détermination de la sélection de l’habitat de ponte par les poissons. De manière générale, une frayère se caractérise par une profondeur entre 20 et 50 cm, une vitesse de l’eau entre 35 et 65 cm/s et une taille de substrat entre 16 et 64 mm (cailloux) (-> Rdv mi-décembre pour en savoir plus la phase de reproduction des saumons). Ces conditions permettraient un flux intragravellaire élevé et donc un bon apport en oxygène, indispensable au développement des œufs puis des larves (-> Cf. article 4 de la chronique d’Eog). A l’échelle du cours d’eau, les zones de frayères peuvent être reliées aux têtes de radiers et queues de profonds.

La croissance des juvéniles de saumons

Les tacons de l’année (juvéniles 0+) sont principalement présents dans les radiers avec un substrat grossier. La distribution des tacons plus âgés (juvéniles 1+) est proche de celle des tacons 0+ à ceci près qu’elle tend plus vers les rapides.

Comme pour le choix des sites de frai, les variables qui influeraient le plus l’utilisation de l’habitat par les juvéniles de saumons sont :

  • la hauteur : les tacons 0+ préfèrent des zones de 10 à 15 cm tandis que les tacons 1+ des zones supérieures à 30 cm.
  • la vitesse : les juvéniles occupent des zones de courant rapide entre 40 et 70 cm/s.
  • le substrat : la granulométrie varie entre 1,6 et 6,4 cm -correspondant grosso modo aux cailloux - pour les tacons 0+. La présence de blocs caractérise l’habitat des tacons 1+.

L’ombrage et la végétation aquatique ont également leur rôle dans la distribution des juvéniles de saumon.

© FNPF - François Madelon

© INRA - E. Beall

Le saumon utilise des habitats hétérogènes (profonds, têtes de radiers, radiers, rapides…) pour réaliser les phases de son cycle de vie en eau douce. En plus de cette diversité, une bonne connectivité de ces habitats est nécessaire !

Malheureusement, l’habitat du saumon est soumis à de nombreuses menaces d’ordre physique, chimique et biologique. Parmi celles-ci figurent les obstacles à la migration, les modifications des refuges, les altérations du lit des cours d’eau, les modifications apportées aux pratiques de gestion foncière et les changements de quantité et qualité de l’eau.

En Bretagne, une grande partie de l’habitat d’eau douce a été perdue (plus de 50% du linéaire historique inaccessible) ou dégradée (drainage, calibrage des cours d'eau, curage, pollutions, …). De nombreuses actions de restauration et reconnexion de l’habitat fleurissent depuis plus de 20 ans à l’initiative des syndicats de bassins versants, collectivités, fédérations de pêche, associations, Etat… mais les efforts doivent se poursuivre. D’autant plus face au changement climatique qui aura non seulement un effet important sur les conditions de vie du saumon en mer, mais également des conséquences sur leur (sur)vie en rivière…

Voir la vidéo réalisée par Yvon Le Gars, Aber Image pour la Maison de la Rivière à Sizun sur le cycle de vie du saumon

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 Pour aller plus loin...

Télécharger la fiche de description complète du saumon atlantique (S. Collin, 2010)

Lire l'article sur l'origine natale des poissons migrateurs gravée dans une pierre d'oreille - Test sur quelques rivières bretonnes (actualité juin 2016)

 

"Les poissons d'eau douce de France"

Coordinateurs : Philippe Keith, Henri Persat, Eric Feunteun et Jean Allardi

Biotope Éditions (ISBN Biotope : 978-2-914817-69-1)

"Poissons de mer, guide scientifique à l'usage des pêcheurs de France et d'ailleurs"

A. Filleul

Editions Larivière, 2001 (ISBN : 2-914205-20-1)