Au sein du programme Interreg SAMARCH, Normandie Grands Migrateurs (NGM) et Bretagne Grands Migrateurs (BGM) viennent de publier une étude comparative des dispositifs de gestion de préservation et de restauration du saumon et de la truite de mer en France et au Royaume-Uni. Cette étude vise à mettre en évidence les avantages et les lacunes des différentes modalités de gestion des salmonidés afin d’en tirer des enseignements et faire évoluer la gestion de ces poissons.
La gestion du saumon et de la truite de mer est caractérisée par l’abondance de recommandations imposées par les différents organismes au vu de sa situation, de l’international avec l’OCSAN, au local avec les COGEPOMI par exemple. Cette gestion se fait dans deux principales dimensions : la conservation de la ressource, avec la gestion de la pêche et des milieux, et la mise en valeur de cette ressource qui comprend les aspects économiques et sociaux. Aujourd’hui, en raison de la situation critique de ces espèces, la priorité s’oriente vers la conservation de la ressource.
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Gestion des populations de saumon
Restauration et accessibilité des habitats
La protection et l’amélioration des milieux se fait globalement de la même manière en France et au Royaume-Uni : la priorité est donnée au rétablissement de la continuité écologique et à l’accès aux habitats. L’amélioration de la qualité de l’eau et des débits et la diminution de la pollution s’inscrivent dans des politiques plus générales liées aux milieux aquatiques.
Pêche et limites de conservation (LC)
La gestion de la pêche des salmonidés migrateurs se fait différemment de part et d’autre de la Manche, surtout pour la pêche fluviale, sans doute à cause d’une culture et d’une vision différente de la pêche. Toutefois, les objectifs restent les mêmes : décrire précisément les pêcheries et le stock exploité et établir les limites de conservation pour chaque rivière associée à des mesures de gestion visant à ne pas les dépasser.
Suivi des populations de saumons
Dans les 2 pays, le suivi, la caractérisation et la quantification des stocks sont réalisés par comptage et grâce aux déclarations de pêche. Les suivis biologiques sont réalisés par indices d’abondance de juvéniles, grâce à la pêche électrique, afin de connaître la production annuelle en juvéniles ; et par contrôle dans les stations de migration, qui permettent de mieux comprendre les dynamiques des populations lors de la remontée et de la dévalaison, et les impacts des mesures de gestion, notamment grâce à des marquages-recaptures.
Soutien et restauration des effectifs
Dans ces deux pays, les programmes de soutien ou de restauration d’effectifs sont réalisés sur des populations en grand danger ou qui risquent l’extinction, ou pour repeupler des zones où le saumon s’est éteint. Cela permet d’atteindre les états « maintenu » et « restauré » mais ces programmes ont une incidence sur la diversité génétique de la population sauvage, c’est pourquoi ils sont évités lorsque la population peut se maintenir seule.
Etat des lieux de la gestion de la pêche
Organisation de la pêche
L’organisation de la pêche est très différente en France et en Angleterre.
En France, l’achat d’une licence de pêche permet de pêcher dans le domaine public, assez vaste, et dans le domaine privé avec l’autorisation du propriétaire. En revanche, aucune licence n’est nécessaire en mer pour les pêcheurs de loisir.
En Angleterre, toutes les rivières sont privées et la pêche nécessite l’autorisation du propriétaire foncier, essentiellement par paiement, en plus de la licence nationale de pêche. Cette licence est nécessaire en rivière mais également en mer pour la pêche des truites et saumons. Les mesures sont globalement plus strictes au Royaume-Uni avec la limitation de l'usage des filets à proximité des estuaires et la mise en place d'une licence pour la capture des salmonidés migrateurs en mer par les pêcheurs de loisirs.
Réglementation de la pêche
Dans les deux pays, la réglementation est établie sur plusieurs niveaux :
Au Royaume-Uni et en France, la réglementation nationale impose assez peu de contraintes sur la gestion de la pêche.
En France, une part de la réglementation se fait au niveau national pour les lois générales, comme la taille minimale de capture, l’obligation de marquage et de déclaration de capture et des consignes concernant les périodes d’ouverture de la pêche.
En Angleterre, la réglementation nationale détermine le nombre de licences pour engins et filets par estuaire et encadre la fermeture progressive des pêcheries côtières qui exploitent des stocks mixtes. Une loi nationale a aussi été mise en place afin de protéger les saumons de printemps en particulier. Elle impose l’interdiction de la pêche de saumon avant une date de juin (différente selon le type de pêche), restreint les méthodes de pêche (pêche au vif interdite) et oblige à relâcher les saumons capturés. Un plan de marquage et déclaration des captures associé à une interdiction de vente de poisson capturé à la canne a été ajouté en 2009 afin de réduire la contrebande et obtenir des informations sur la pêche et sur les stocks de salmonidés.
- Au niveau local (bassin, département, tronçon de rivière) :
La réglementation locale, vise à compléter la réglementation nationale si celle-ci n’est pas adaptée à la situation. Ces arrêtés sont restrictifs. Ils concernent la définition des zones autorisées et interdites à la pêche, les périodes d’ouverture, les modes de pêche autorisés, les délimitation de cours d’eau et éventuellement une méthode de gestion de la pêche des saumons et truites de mer (TAC, quota individuel, interdiction totale).
La situation des salmonidés n’étant pas la même dans ces pays, la réglementation concernant les limitations, interdictions, techniques et pratiques de pêche est imposée par des arrêtés en France et par des byelaws au Royaume-Uni. En France, ces arrêtés sont regroupés dans les PLAGEPOMI, ce qui permet de connaître les droits et interdits dans une région donnée. Cependant la réglementation à l’échelle des régions/bassins versants peut manquer d’homogénéité, notamment lorsqu’on a beaucoup d’estuaires donc beaucoup de stocks différents à gérer, contrairement aux bassins comptant peu d’estuaires, avec éventuellement un estuaire principal (Loire, Garonne-Dordogne, Adour), où la réglementation est plus homogène. Au Royaume-Uni, les byelaws sont également regroupés à l’échelle des régions, dans des documents spécialement prévus à cet effet pour les pêcheurs, ce qui simplifie l’accès aux informations pour ces derniers. Les restrictions sont valables sur l’ensemble de la région concernée (sauf si cette dernière est subdivisée) et concernent majoritairement les techniques et pratiques de pêche, de l’utilisation d’un certain matériel à la graciations obligatoire des captures et le nombre de captures autorisées.
- Au niveau de la propriété :
Contrairement à la France, un troisième niveau de restriction existe au Royaume-Uni. Le domaine de pêche étant privé, les riverains propriétaires du droit de pêche peuvent imposer chez eux des nouvelles restrictions, dites volontaires, comme l’utilisation d’hameçons circulaires, la relâche des prises,… Ces initiatives sont encouragées par l’Environment Agency et par les associations de pêche. Cependant, elles ne sont pas documentées dans un registre national.
Ces réglementations locales par les propriétaires sont ajoutées, ce qui oblige les pêcheurs à en prendre connaissance. Cependant la réglementation de la pêche en estuaire et en mer n’est pas indiquée bien que sous le joug de la même licence.
A noter que pour le cas spécifique de la truite de mer, la déclaration de capture est facultative en France alors qu'elle est obligatoire en Angleterre (avec marquage).
La France et le Royaume-Uni mettent donc en place des politiques ayant pour objectifs de permettre au saumon d’accomplir son cycle biologique dans les meilleures conditions en contrôlant les mortalités par pêche mais également en améliorant ses conditions d’habitat et de libre circulation le long des axes. En revanche, la phase marine, peu connue et peu contrôlable, est la phase du cycle de vie du poisson pendant laquelle le taux de mortalité est le plus élevé malgré les interdictions de pêche mises en place. Des recherches ayant pour objectif d’expliquer les causes de mortalité en mer et permettant de proposer de nouvelles mesures de gestion pour l’amélioration des stocks de saumon atlantique et de truite de mer doivent être menées. Le programme SAMARCH y contribue.