Située en fond d'estuaire du Scorff, la station de contrôle des migrations de saumon du Moulin des Princes à Pont-Scorff, propriété de la Fédération du Morbihan pour la pêche et la protection des milieux aquatiques, a été mise en service en mai 1994 afin d’étudier la dynamique de population chez le saumon atlantique. L'Institut national de recherche pour l’alimentation, l’agriculture et l’environnement (INRAE) et l’Office Français pour la Biodiversité (OFB) sont responsables du programme de recherche, basé sur les données récoltées à la station du Moulin des Princes sur les adultes et les juvéniles migrants (smolts), mais aussi par pêche électrique sur l'ensemble du réseau hydrographique pour les juvéniles résidants. Montaison, reproduction, croissance en rivière, dévalaison des smolts... chaque phase du cycle du saumon est ainsi étudiée à partir de données récoltées sur le terrain (comptages, indices d'abondance, marquage...) qui alimente un modèle de dynamique de population.

Ce programme est mené dans le cadre du pôle de R&D « Migrateurs amphihalins dans leur environnement » (MIAME ; INRAE-OFB-Institut agro-UPPA). Il permet d’avoir aujourd’hui des séries chronologiques longues, acquises à différents stades du cycle biologique.

Le Scorff constitue une référence dans l'étude de la dynamique des populations de saumon Atlantique en France.

La station de contrôle des migrations du Moulin des Princes à Pont-Scorff permet de contrôler les entrées/sorties de l'ensemble du bassin. Elle dispose d'un double système de piégeage capturant les juvéniles au moment de leur migration vers la mer ( smolts) et les adultes lors de leur retour en eau douce. Elle est associée à un autre dispositif de piégeage situé juste en amont sur le site du moulin du Leslé. Les données récoltées sur les adultes et les juvéniles migrants sont complétées par des observations sur la phase juvénile, suivie par pêche électrique d’indices d’abondance. Une cinquantaine de stations réparties sur l’ensemble du réseau hydrographique du Scorff potentiellement colonisé par le saumon sont échantillonnées chaque année.

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Source : FDAAPPMA 56, 2023

  1. Estimation de la production et caractéristiques des smolts
  2. Estimation de l'échappement et des retours d'adultes
  3. Production de tacons
  4. Estimation de la dépose d'oeufs et comparaison de ;a limite de conservation

La production de smolts est estimée par marquage/recapture selon un protocole mis en place en 1995, qui n’a été que peu modifié depuis (Prévost, 1999). Le modèle statistique utilisé pour estimer les effectifs de smolts migrants tel que décrit en détail par Servanty et Prévost (2016) a récemment été mis à jour en 2022.

Sur le site du Moulin du Leslé, les individus dévalants piégés sont dénombrés, marqués, mesurés (longueur fourche) et pesés. Des écailles sont prélevées sur certains individus durant toute la période de dévalaison pour déterminer leur âge. Différentes techniques de marquage ont été utilisées au fil du temps (PIT tag actuellement). Une attention particulière est portée à ce que 4 prélèvements par classe de taille de 5 mm, soient réalisés chaque semaine avec rattrapage du quota non réalisé.

Au Moulin des Princes, les juvéniles migrants capturés sont dénombrés et examinés pour la présence de marques.

L’estimation du nombre de smolts dévalants est en moyenne de 7579 smolts sur la période 1995 à 2022,avec de fortes fluctuations autour de cette valeur. L’année 2022 est dans la gamme des observations précédentes avec 7377 smolts estimés.

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Estimation de production totale de smolts par année de dévalaison de 1995 à 2022 et tailles moyennes

La taille moyenne des smolts est de 138,7 mm sur la période 1995-2022, avec des extrêmes allant de 127 mm en 2001 à 152 mm en 2002. En 2022, la taille des smolts (133 mm) est inférieure à la moyenne.

Les effectifs d'adultes sont estimés séparément pour les saumons ayant séjourné deux (voire trois) hivers en mer ou effectuant leur deuxième (voire troisième) retour en eau douce (PHM) et les castillons (poissons ayant séjourné un seul hiver en mer, 1HM). Quelle que soit la catégorie d'adulte concernée, l'estimation du nombre de reproducteurs participant au frai repose sur la technique de marquage/recapture. Le modèle statistique utilisé pour estimer les retours d'adultes a été récemment remis à jour pour permettre un traitement homogène et aussi complet que possible des données disponibles. Il est décrit en détail par Servanty et Prévost (2016).

Les opérations de marquage sont menées à la station du Moulin des Princes. Chaque poisson piégé est anesthésié, mesuré, pesé et quelques écailles lui sont prélevées pour déterminer son âge. Depuis 2014, la technique de tatouage a été abandonnée au profit d’un marquage par puce électronique (PIT tag introduit sous la nageoire adipeuse) permettant une identification individuelle. A partir de 2015, le PIT tag a été complété par le tatouage d’un point entre les nageoires pelviennes pour permettre une identification par les pêcheurs. Une fois marqués, les poissons sont libérés à l'amont du dispositif de capture.

Des échantillons de recapture sont récoltés sur des poissons étant passés en amont de la station du Moulin des Princes. Il s'agit principalement de poissons capturés vivants sur ou à proximité des frayères et examinés directement pour la détection de marques, puis libérés sur leur lieu de capture après apposition d'une contremarque. Les opérations de recapture sont menées essentiellement de nuit au moyen d'épuisettes sur différents sites de frai répartis tout au long du cours principal du Scorff, ainsi que sur ses principaux affluents. Pendant et peu après la reproduction, il est aussi récupéré des poissons morts ou mourants, que ce soit à la station du Moulin des Princes ou à proximité des sites de frai.Enfin, les éventuels bécards "reconditionnés" (poissons post-reproduction, cf. cycle biologique en annexe capturés durant les premiers mois de l'année suivant la reproduction sont également considérés. La séparation des 1HM et des PHM parmi les poissons recapturés est faite à partir d'un prélèvement d'écailles sur les poissons non marqués.

Le nombre moyen de retours de saumons de printemps dans le Scorff est de 92 sur la période 1994- 2022. Avec un retour de 90 PHM, 2022 rejoint le niveau moyen interannuel.

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Evolution du nombre de retours de saumons de printemps estimés de 1995 à 2022

Une tendance à la baisse marquée du poids et de la taille des saumons de printemps est observée : entre 1995 et 2010, les saumons de printemps ont perdu en moyenne environ 35 mm et près de 450 g, soit environ 5 % de leur taille et 10 % de leur poids. Le coefficient de condition des saumons de printemps de 2022 est proche de la moyenne de l’ensemble de la série.

Le nombre moyen de retours de castillons dans le Scorff est de 507 sur la période 1994-2022. Ces valeurs sont sensiblement plus élevées que celles des saumons de printemps. Avec 160 castillons, l’année 2022 est la plus faible de l’ensemble de la série.

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Evolution du nombre de retours de castillons estimés de 1995 à 2022

Comme pour les saumons de printemps, une forte baisse de la taille des castillons est observée depuis 1994. Les 1HM ont perdu depuis 2002 environ 50 mm, soit 8% de leur longueur, et près de 500 g, soit 20% de leur poids. Avec une taille de moins de 56 cm et un poids proche de 1,8kg, ces valeurs ont atteint le niveau le plus faible de toute la série de données.

Le nombre de saumons de 2nd retour est en moyenne faible (moyenne de 10), mais très fluctuant. Avec une estimation de seulement 2 poissons de 2nd retour, 2022 confirme les très faibles niveaux observés depuis 2015.

L’abondance des tacons de l’année est observée sur un réseau d’une cinquantaine de stations réparties sur l’ensemble des zones colonisées par le saumon, dont une quarantaine est situées sur le cours principal du Scorff lui-même. Chaque station est prospectée au début de l'automne (fin septembre) et un indice d'abondance en tacons de l'année (0+) est mesuré par la méthode décrite par Prévost et Baglinière (1995). Ces indices d'abondances sont exprimés en nombre d'individus capturés en 5 minutes de pêche électrique selon un protocole standardisé et sont proportionnels à une densité de population par unité de surface (Pottier et al. 2022). Suite au travail de modélisation entrepris par Servanty et Prévost (2016), les données ainsi récoltées permettent de produire pour chaque année une estimation de l’effectif total de juvéniles 0+ en automne.

 

La production des juvéniles de saumon sur le bassin du Scorff montre de fortes fluctuations interannuelles dans un rapport de 1 à 15. Ceci reflète à la fois les variations du nombre de géniteurs ayant donné naissance à ces juvéniles et les fluctuations des conditions environnementales qui affectent la survie des embryons et des juvéniles au cours du processus de recrutement. L’année 2022 est dans la moyenne des observations précédentes.

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Evolution de la production et de la taille moyenne des tacons 0+ de 1993 à 2022

Les tailles moyennes sont aussi très fluctuantes : elles varient entre 76,5 mm (2005) et 102,9 (2002). Elles sont liées en partie au nombre des tacons : généralement, plus les tacons sont nombreux, plus leur taille est faible (augmentation de la compétition entre individus qui réduit leur croissance). En 2022, la taille moyenne (78.2 mm) est dans la gamme basse des observations depuis 2003.

La limite de conservation récemment redéfinie pour le Scorff et validée par le COGEPOMI Bretagne est le nombre d'œufs nécessaires pour maitriser un risque de faible recrutement en tacons de l’année (Lebot, 2021). Le seuil de faible recrutement retenu est la moitié du recrutement moyen attendu si le nombre d’œufs pondus par les géniteurs n’était pas limitant (i.e. 50% de la capacité d’accueil). Le seuil de risque acceptable est fixé à 25% (une année sur quatre en moyenne). Dans la configuration actuelle d’accessibilité des différentes branches du réseau hydrographique, on aboutit à une limite de conservation de 687 081 œufs. La méthode de calcul pour convertir le nombre d'adultes ayant participé à la reproduction en dépose d'œufs annuelle repose sur des estimations moyennes à l'échelle du Massif Armoricain de la proportion de femelles parmi les adultes et de la fécondité par femelle (mises à jour en 2015), soit :

  • 45 % de femelles et 3485 œufs par femelle pour les 1HM ;
  • 80 % de femelles et 5569 œufs par femelle pour les PHM.

Il convient de noter que dans le cas du Scorff, le nombre de géniteurs participant à la reproduction est estimé en tenant compte des mortalités pouvant éventuellement intervenir en plus de la pêche. Le calcul des limites de conservation considère lui l'échappement reproducteur comme les retours diminués des seules captures par pêche. Les diagnostics de comparaison entre l’échappement et la limite de conservation présentés par la suite pour le Scorff sont donc plutôt pessimistes (i.e. pêchent par excès de prudence).

La dépose d’œufs de l’année 2022 est très faible, parmi les plus basses observées. La probabilité que la limite de conservation ait été atteinte n’est que d’1%. La survie pour la dernière année de naissance 2020 est proche de la moyenne générale de la série.

L’estimation des retours d’adultes rapportée au nombre de smolts produits par année de dévalaison permet d’évaluer les taux de retour de mer (fig. 20).

Le taux de retour semblent plus stables depuis 2004 mais aussi plus faibles (autour des 7%). Avec 5.5%, le taux de retour de l’année de dévalaison 2020 redescend à un niveau parmi les plus faibles de la série.