De même que pour les humains ou tout autre être vivant, les fonctions vitales des poissons (repos, alimentation, reproduction) ne peuvent être satisfaites que dans certaines conditions d’habitats. La capacité d'accueil du milieu est une condition essentielle au bon déroulement des étapes vitales. La truite de mer a un cycle de vie complexe et possède, par conséquent, des exigences d’habitats toutes aussi complexes…
Même si les conditions en mer influencent la qualité et la quantité des truites de mer (cf. épisode 7 de la chronique « Une année avec la truite de mer »), une condition essentielle pour la survie de leurs populations est la qualité des milieux pendant leur phase en eau douce. Ainsi, il faut à la truite :
La remontée des adultes en cour d'eauEntre les phases de migration active, les truites ont besoin d’un habitat de repos à l'abri et ombragé. A l’échelle de la rivière, l’habitat de l’adulte peut être relié aux profonds et se matérialise par une sous-berge, des racines, des blocs rocheux… (cf. épisode 9 de la chronique « Une année avec la truite de mer ») |
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La reproduction des géniteursLa qualité de l’habitat est une des clés du succès de la reproduction. La profondeur de la lame d’eau, la vitesse du courant et la taille du substrat sont généralement considérées comme les variables internes à la rivière les plus importantes dans la détermination de la sélection de l’habitat de ponte par les poissons (-> Rdv fin décembre pour en savoir plus la phase de reproduction des truites de mer). |
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La croissance des juvéniles de truiteLa séquence radier/mouille offre un milieu contrasté, regroupant les conditions de gîte (en profond) et de nutrition (en radier), dans lequel prend place la croissance des juvéniles de truites (cf. épisode 9 de la chronique « Une année avec la truite de mer »). |
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La truite utilise des habitats hétérogènes (profonds, têtes de radiers, radiers, rapides…) pour réaliser les phases de son cycle de vie en eau douce. En plus de cette diversité, une bonne connectivité de ces habitats est nécessaire... En Bretagne, près de 3 500 obstacles à la continuité ont été recensés !
Plus globalement, les principales pressions sur les truites de mer sont reliées en Bretagne à la fois à l’impact des activités anthropiques (altérations du lit des cours d’eau, obstacles à l'écoulement, changements de quantité et qualité de l’eau) et au changement climatique qui régulent le fonctionnement des populations de truites en influant sur le taux de survie, sur la capacité d’accueil du milieu et sur les stratégies de vie.
La truite, exigeante et très sensible à la qualité du milieu, se révèle ainsi être un excellent indicateur : sa présence et son abondance dans un cours d’eau prouve en effet la bonne fonctionnalité des habitats.
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Comme chaque année depuis 2015, les fédérations de pêche de Bretagne échantillonnent à l’automne les juvéniles de truites sur les cours d'eau bretons pour qualifier les populations de truites en Bretagne, suivre le recrutement et plus globalement, d’apprécier la fonctionnalité des cours d’eau.
A l’initiative de la Fédération de pêche des Côtes d’Armor, puis rapidement d’une ambition conjointe des 4 Fédérations de Pêche Bretonne, un référentiel régional de la Truite fario a vu le jour en 2015. Mené en partenariat avec l’INRAE et l’OFB, ce suivi scientifique est maintenant coordonné par l’Association Régionale des fédérations de pêche de Bretagne (ARPB), en étroite collaboration avec les 4 fédérations de pêche bretonnes. Cela représente aujourd'hui un réseau de 58 stations de pêche électrique d'indice d'abondance Truites prospectées tous les ans en Bretagne !
Baptisée "indice d'abondance truite", la méthode utilisée pour échantillonner les juvéniles de truite se base sur un protocole d’étude mis en place par l’INRAE en 2004 et publié en 2009, l’indice VIGITRUITE©.
La méthode standardisée consiste à faire une pêche électrique à l'aide d'un matériel portatif, ciblée sur les juvéniles de truite de l'année et pratiquée sur tous les habitats disponibles, sans a priori sur les préférences de l'espèce. Ces indices, de type "capture par unité d'effort", sont exprimés en nombre de poissons capturés en cinq minutes de pêche.
Pour en savoir plus sur le protocole VIGITRUITE©
Le référentiel se base ensuite sur un réseau homogène de stations réparties régionalement en fonction de grandes entités physiographiques (analyse pédologique et paysagère). Chaque station, choisie prioritairement sur des zones amont de cours d’eau, doit remplir les critères d’application du protocole (largeur < 8 m ; profondeur < 60 cm) sur un linéaire continu de rivière d’environ 100m.
Les résultats des indices Vigitruites© menés sur l’année 2019 ont été bons à l’échelle du territoire breton :
La moyenne des effectifs de juvéniles de truites fario 0+ capturés en 2019 en Bretagne est de 14,8 individus 0+. Elle est supérieure à la moyenne interannuelle 2014-2018 (11,7 individus 0+).
Malgré de très bons résultats en 2019, on observe une forte variation interannuelle du recrutement en juvénile sur certains ruisseaux prospectés. Les pêches électriques réalisées en septembre 2020 tendent à montrer des résultats légèrement en dessous des effectifs capturés en 2019, mais globalement autour de la moyenne interannuelle. Seul un suivi sur le long terme permettra d’analyser de façon fiable les tendances d’évolutions de la population à l’échelle du territoire breton.
Crédits photos : P. Rigalleau, ARPB